"Le trio bruxellois (avec partenaires du Sud-Ouest hexagonal) d'un pianiste toulousain passé par le Collège de Marciac, le Berklee College de Boston, et multi-primé dans les tremplins d'ici (Avignon, Vannes, Vienne) et d'ailleurs (Allemagne, USA). Deuxième opus de ce groupe, après Clearway (Jazz Village, 2017), cet enregistrement de concert réalisé par la Radio Belge Francophone (RTBF), rend parfaitement justice à l'art du trio. Cela se passait à la Jazz Station, haut-lieu du jazz bruxellois, établi dans une ancienne gare sur la Chaussée de Louvain.
Dans ce trio, pas d'effets intempestifs, un parcours de rigueur musicale, de feeling et d'interactivité entre les trois instrument(iste)s, bref tout ce qu''il faut pour apprécier le canonique trio piano-basse-batterie dans sa vérité originelle. On commence par une sorte de valse hétérodoxe, tendue entre le rythme de son thème et une espèce d'ostinato faussement anguleux qui détermine l'exacte dramaturgie de la composition. Après la contrebasse dans le premier rôle, le piano s'évade vers la seconde plage, où le trio joue une valse, guère plus orthodoxe, de Thelonious Monk: Ugly Beauty, respect du texte, puis libre déambulation evansienne. Il faut dire que le pianiste fut à Boston l'élève de Joanne Brackeen, grande prêtresse d'un certain lyrisme : profondeur sans ostentation, tout est dit.
Changement de registre avec le thème suivant: Fascinating Rhythm, engagé par un solo presque tritanien avant décollage collectif, au bout de deux minutes, en suivant maintenant les rails du thème, mais pour s'en affranchir bientôt. Vient ensuite un très vieux standard, de dix ans antérieur au précédent, They Didn't Believe Me, composé par Jerome Kern. Version recueillie, harmonies denses, phrasé expressif et mélancolique, bref de cette forme de beauté intemporelle qui traverse l'histoire de la musique américaine grâce au jazz. Suivra un Interlude d'une sombre et belle atmosphère, qui s'enchaîne au thème suivant, rythmique et convaincant, sans ces facilités du groove pour le groove que l'on entend depuis deux décennies environ, et où l'aspect hypnotique tient lieu d'inspiration. Ici la densité de la forme, du déroulement, et la finesse du développement, nous entraînent sur d'autres chemins, riches d'imaginaire et de surprises. Et le disque se conclut sur une sorte de valse dévoyée qui va changer de rythme (et de tempo), retour à la source pour boucler la boucle : belle coda en forme de pirouette qui révèle, derrière le désir accompli de musique, l'endurance de la pensée."
Xavier Prévost
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